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 The Wind of Chance… has turned.

Drôle d’époque pour se lancer dans la recherche d’émotions qui rapprochent de la Terre… pourtant.

 

Le 22 février, Françoise et moi avons quitté la ravissante petite ville de Montjoie (Monschau) en vue d’une semaine de crapahutage. La colonne vertébrale de l’Ardenne s’étend de l’Eifel à Sedan, plus ou moins. Les légendes qui font référence aux fées, au diable aux sorcières et autres petits mondes sont légion. Il n’en fallait pas plus pour nous donner l’envie d’un brin de causette avec les « intrigants rochers turgescents ».

 

La mignonne ville frontalière, en totale léthargie en ce mois creux, ronfle des masses d’eau qui la pénètre de tous côtés. Le mugissement nous a accompagnés un long moment. Le pas lent, nous nous dirigeons sans préambules vers le plateau des Fagnes. À hauteur du signal de Botrange.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Fagnes et ses cent vingt jours de brume par an n’ont pas failli à leur renommée.

 

 

Dans la forêt, des charmes tortueux, des sapins brisés et recollés suivant la fantaisie de dame nature. Les formes, presque humaines, ne le sont-elles pas ? Plus loin, des épicéas suggèrent des femmes enceintes. Et si les fées se reproduisaient de cette manière ? Qui s’est déjà interrogé sur le mode de reproduction de ces sympathiques petits êtres ? Et la fécondation, la durée de gestation, le nombre de jeunes par portée : là, c’est le culto qui refait surface !

 

Autant de questions existentielles qui rythment notre progression.

 

 

 

Nos pas nous emmènent dans la vaste lande couverte d’herbes sèches qui dépassent d’un marais tourbeux sans fin. Pas d’âmes qui vive, ça crachouille, neigeote et ventaille. Et puis tous les diminutifs disparaissent, malgré tout, on avance bien. Nous avions prévu seize kilomètres pour le premier jour. Au diable l’avarice : nous rajoutons un petit bout. Nous nous trompons ! … et empruntons un sentier XTrail, genre terrain d’entrainement GIGN. Il nous casse les pattes sur quinze kilomètres le long de la Warche, jusque sous le château de Reinhardstein. Les pieds dans la rivière, le reste du corps dans la pluie, le moral descend lentement dans les talons. Robertville, par nuit noire : mauvaise idée.

 

 

Jurant qu’on ne nous y reprendrait plus, nous abandonnons le GR vers Malmedy après sept kilomètres. Trois km/h : ça suffit, trop dur !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous cassons la croute parmi des Malmédiens frustrés de l’absence de carnaval. Ils se rengorgent et racontent, fiers, que samedi soir ils ont éclusé tout ce qui pouvait se boire dans l’intégralité des cafés et cela avant l’heure de fermeture légale. On ne les prive pas de leur folklore si facilement.

 

 

De Malmedy à la Baraque de Fraîture, que nous atteignons le lendemain, une succession de bosses plus ou moins escarpées nous conduisent vers L’Amblève, la Salm, la Lienne. Le soleil, revenu depuis ce matin, nous laisse profiter de panoramas fantastiques.

 

C’est dur aux guibolles, qu’én pays saisse !

 

 

 

 

 

Michel nous attend à Wanne. Juste avant d’y arriver, un énorme rocher, du style de celui découvert à l’entrée des Fagnes, nous barre la route. Nous avons atteint le Faix du diable ( le fardeau du diable).

 

Le triste personnage voulait lancer le morceau de montagne sur le monastère de Saint Remacle à Stavelot. Épuisé après l’escalade de la colline abrupte, il a abandonné son caillou à cet endroit et renoncé à son projet. Gamin, va !

 

 

 

 

 

Anne et Michel nous accueillent et nous véhiculent deux jours. Leur maison, à la pierre d’Ardenne apparente, respire le cocon rassurant. Michel, et Anne surtout, marchent sur les chemins de Compostelle. C’est l’occasion d’échanger nos expériences.

 

 

Quelle surprise de découvrir que chaque matin nos hôtes se délectent de sang de Macralles ! Sous le sceau du secret, ils nous ont révélé le modus operandi (où trouver la matière première [les sorcières], comment les trucider sans en altérer les pouvoirs, etc.) Un secret est un secret ! Sachez seulement que le jus de betteraves améliore le goût. Cela vaut de l’essence 98, je vous l’affirme ! On déplore certes quelques flatulences malodorantes. Sorcières de Gaume et d’ailleurs : planquez-vous, ça va saigner !

 

 

 

Peu après le passage de la Salm, nous pensons avoir identifié les empreintes d’un loup. Quand je vous dis que ce pays n’est pas très catholique.

 

 

 

 

Le long de la Lienne, une maison de fée est accrochée à un arbre.

 

Est-ce là que vit la petite Lienne ? Celle qui enflamma le cœur de Rambert et assura une riche destinée à ses descendants grâce à sa chèvre. La toison d’or de l’animal, qui vécut quatre siècles, repoussait sans cesse. Il suffisait de retailler, parait-il. Peut-être devrait-on tondre GLB.

 

 

Raoul apporte ton peigne 00 !

 

 

Il nous reste sept kilomètres pour joindre Odeigne et il est seize heures, pas de problème a priori. Un orage éclate, il est accompagné de neige, grésil et pluie. Nous devons rebrousser chemin et nous mettre à l’abri d’un hangar. Sûrement un coup du rocher du diable ! En haut de la côte, il nous refuse l’accès à son domaine.

 

 

 

 

Par prudence (ou superstition) nous démarrons d’Odeigne ce vendredi matin. La longue descente par les bois vers La Roche se montre aussi facile et plaisante que la remontée vers Mousny n’en finit pas.

 

 

Tout le monde connait le petit écrin de La Roche lové dans une boucle de l’Ourthe. Fait amusant, Ourthe, ici, et Roer à Montjoie détiennent une racine celte commune : urt. Elle signifie : «  rivière au cours rapide» ou «rivière cascadant».

 

 

Nous mordons sur notre chique pour grimper vers les Blancs Cailloux. Pourtant, nous ne pouvons-nous empêcher de nous sentir vernis. Nous avons appris les bruits de bottes, à l’autre bout de l’Europe. Des gens poussent sur leurs jambes pour sauver leur liberté et celle de leurs enfants. Nos efforts à nous sont dérisoires.

 

 

 

 

Du haut de Mousny, une vue à 360° s’offre à nos yeux écarquillés et ébahis. Un pèlerin a un jour demandé à boire à un berger en ce lieu. Celui-ci l’a reçu avec des cailloux. En un instant, bêtes et homme pétrifiés à jamais n’ont même pas eu le temps de crier : ouf.

 

Vous voilà prévenus, réfléchissez à deux fois avant de me refuser de l’eau !

 

 

 

 

On n’imagine pas, en circulant en voiture sur la N4 à hauteur de Tenneville, les paysages qui s’étalent depuis les collines. Le sentier conduit vers une coquette vallée poétique le long de l’Ourthe occidentale. Après la ferme de Basseilles, on remonte vers une longue portion d’épine dorsale ardennaise. Nous la traversons et la suivons côté nord. Quelque chose se passe à cet endroit, des membres de l’univers souterrain doivent être occupés à forger je ne sais quoi dans les entrailles de la Terre.

 

 

Cela secoue grave !

 

 

 

 

Sous les sapins, un épais matelas de mousse nous laisse imaginer qu’ici les fées apprennent à voler. Si elles chutent, elles ne se blessent pas. C’est fragile le petit monde !

 

 

Après la chapelle de la Bonne Dame, la vallée s’ouvre sur Lavacherie la paisible. Amberloup, avec son église romane aux murs inclinés vers l’extérieur, est habité depuis l’époque celte au moins. Des fouilles ont mis en évidence des vestiges de cette époque.

 

 

Christiane, notre hôtesse du jour, nous attend. Encore une belle rencontre dans le contexte (+/— étouffé) de la fête de carnaval. Les Bastognards, c’est des durs ! Notre souriante hébergeuse nous accompagne quelques kilomètres le lendemain par les majestueuses forêts qui mènent à Saint-Hubert.

 

 

 

 

Le cerf légendaire ne s’est pas montré, mais le jeu des ombres donne l’illusion de mouvements entre les arbres. Sommes-nous vraiment seuls dans cet univers particulier ? La lumière de fin d’hiver aveugle, il y a un vent à écorner un bœuf. D’ailleurs, je ne tarde pas à ressentir deux petites douleurs au crâne. Sans nous en rendre compte, nous nous épuisons et arrivons chez Paulette lessivés.

 

 

 

 

Elle a prévu de la soupe en quantité, une véritable potion magique. Les Ardennais n’ignorent pas combien leur pays rude recèle mille dangers. Sans doute se transmettent-ils des recettes à réveiller les morts depuis la nuit des temps. Allez savoir !

 

 

Requinqués, nous abordons la dernière journée. Nous devons rentrer à la maison ce soir. Et puis, l’étape gaumaise, jusque Orval : nous l’avons déjà accomplie de nombreuses fois.

 

 

 

 

En quelques kilomètres, nous passons par la source de la Lomme qui se dirige vers l’ouest, celle de l’Ourthe coule vers l’est et celle de la Vierre qui gagne le sud.

 

Après Neufchateau, nous découvrons qu’un charmant sentier bien connu vient d’être terrassé sur tout son parcours. Encore un qui laissera la place à une belle voie lente, bétonnée sans doute…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Françoise & Alain

 

Via Arduinna février 2022